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< Les ortolans de la colère

La Colère des Ortolans, repas performance accompagné d'une série de sculptures (2017)

Le visage télévisuel de Marie-Thérèse Ordonez, dite Maïté, me glace lorsque je la découvre dégustant des ortolans. Ce monument de l’émission culinaire d’un érotisme glabre, cette grosse femme se délecte lubriquement de passereaux. Les ortolans, petits oiseaux migrateurs, capturés dans des cages en grillages appelées « matoles », sont engraissés dans l’obscurité, à force de graines d’alpiste. 3 semaines plus tard ils sont brûlés vifs dans l’armagnac, un alcool typique des Landes, puis dévorés entiers, presque aussitôt : tête, plume, bec, abats... Et là, Maîté dans la télé, partage ce moment avec des centaines de milliers de personnes. Elle ronfle et glousse de bonheur comme si elle avalait Rocco Sifreddi. C’est sordide.

 

J’imagine un mélange raffiné de saveurs délicates, suintant de graisse et de sang qu’il est bon de réserver à la seule serviette. Personne ne veut voir une bouche dégoutter de sang et de graisse, ni les yeux chavirés de celui qui mange. Il est donc de coutume de se couvrir le visage d’une serviette, pour se cacher de la colère des dieux selon la rumeur, et des militants selon la loi...

 

Le mets en lui-même me répugne, mais c’est surtout d’apprendre que l’ortolan est une espèce en voie de disparition qui m’intrigue, la curiosité monte en moi comme une araignée sur la cuisse. L’ortolan est protégé et selon la LPO [Ligue Protectrice des Oiseaux], dans certaines campagnes landaises, cette pratique perdurerait. Elle donne lieu à des « affrontements » entre militants écologistes et « chasseurs ». Des hommes en viennent aux mains... pour un petit oiseau d’à peine 20 grammes qui pourrait valoir 150 euros sous le manteau... Une vieille tradition aristocratique, théâtralisée à l’extrême, perdure malgré la triste condition de notre environnement.

 

Caméra-télé braquée pour saisir le bruit des os brisés, pour donner corps à ce malaise, dans un visage, le faire goûter, le palper, m’en imbiber, de cette graisse...

 

J’arpente ces lieux de troubles par des formats divers, pour enclencher des discussions, dénouer les langues. Interroger la forme du repas, mettre en place un protocole, sonner le toast, appeler les convives à se mettre à table, enfiler leurs serviettes, éclairés par quelques bougies. Dans des assiettes faites de grillages, grappiller des pépites, des nourritures croustillantes, alcoolisées, suintantes de graisse, bourratives, liqueur, mirabelle. Il me fallait refaire la scène, pour l’éprouver. Et décortiquer les complexes saveurs que pourrais provoquer un ortolan en bouche.

 

Projection montage vidéo à partir d’archives INA.fr, journal télévisé TF1, documentaire Ligue de Protection des Oiseaux, Émission de cuisine avec Maïté, extrait d’Hannibal, la série. Installation, tournesols fanés, chardons séchés, candelabres, assiettes en grillage à matoles. Menu, pop corn, nuggets vegan, protéines de soja, gougères au fromage, prune liquide et Armagnac.

 




Flyer Géant, impression traceur, contre-collage, 570x570mm
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